De mal en pis [Danny et Kenny]

Fuir. Toujours fuir. C’en était fatiguant, vraiment. Mais Cathleen tenait bon. Elle ne tenait pas à subir le même sort que son ex mari et même si elle n’avait pas de réelles preuves de ce qu’elle avançait, elle savait qu’elle était en danger. Elle ignorait bien la réelle raison car elle n’avait jamais rien fait qui mérite la mort ou pire mais elle savait qu’elle était suivie. En tout cas, elle espérait avoir réussi à semer pour de bon les éventuelles personnes qui étaient à ses trousses. Parano ? Non, loin de là. Cela faisait maintenant plusieurs mois qu’elle allait de ville en ville, qu’elle ne restait jamais bien longtemps au même endroit. Cela avait porté ses fruits et elle comptait bien continuer à le faire si cela pouvait lui garantir la vie sauve. Difficile cependant d’avoir une vie tranquille en agissant ainsi. Elle ne pouvait pas travailler et l’argent qu’elle avait réussi à emmener avec elle était désormais épuisé. Elle espérait malgré tout pouvoir réussir à trouver refuge quelque part rapidement. En tout cas avant la tombée de la nuit. Il était difficile de savoir l’heure de la journée à cause des pins de la forêt, tellement entassés qu’ils empêchaient de voir la lueur du soleil à leur cime. Elle évitait de passer par la route pour ne pas se faire remarquer mais passer par les bois était d’autant plus dangereux.

Elle en aurait mis sa main à couper, la ville était dans cette direction. Mais difficile d’en être certaine malgré tout, sans avoir la moindre indication. Peut-être qu’emprunter la route aurait finalement été plus sage… Une branche craqua, derrière elle, lui faisant réprimer un frisson. C’était sans doute son imagination. Mais tout était si inquiétant dans une forêt, loin de l’effervescence des villes. New Haven lui manquait. Mais être en forêt lui rappelait son enfance, entourée de ses frères. Même si elle savait se défendre, elle n’était pas armée en dehors d’un petit couteau affuté et elle doutait pouvoir réussir à se défendre si un ours l’attaquait. Elle pressa donc le pas, tourmentée par ses pensées. Un grondement qui était clairement celui d’un ours la fit sursauter. Bien que l’animal semblait être plus loin et que ce n’était pas un cri agressif, la panique de Cathleen prit le dessus. Si d’ordinaire cela ne lui aurait fait ni chaud ni froid, la fatigue et la faim ne faisaient qu’accentuer sa peur. Elle se mit donc à courir en espérant pouvoir s’éloigner rapidement et rejoindre la ville. Mais sa course fit de courte durée. Elle se prit les pieds dans quelque chose et, après une roulade sur le sol, s’étala dans les aiguilles de pin et dans la terre.

« Bon sang !!! »

Elle redressa prestement la tête et regarda dans quoi elle s’était pris les pieds. Une trappe dissimulée par des branchages dépassait légèrement du sol. Cela éveilla sa curiosité et elle se redressa tout en s’époussetant pour venir voir de plus près. Elle attrapa la trappe et la souleva entièrement, dévoilant une échelle qui descendait dans des profondeurs obscures. C’était sans doute une planque. Elle analysa rapidement la situation et décida d’y descendre. Elle ignorait ce qu’elle allait y trouver mais c’était toujours moins pire qu’une rencontre avec un ours. Au pire, elle n’y resterait pas longtemps. Juste le temps de souffler. Par chance, il y aurait peut-être à manger. En espérant que le propriétaire ne vienne pas jeter un œil dans la journée…

Elle se glissa à l’intérieur et referma la trappe au-dessus d’elle. Désormais elle était dans le noir. Elle chercha à tâtons la lanterne qu’elle avait aperçue lorsqu’elle était à l’extérieur et finit par poser la main dessus. Elle l’ouvrit et l’alluma comme elle put à l’aide du briquet de son frère. Bien qu’elle détestait le feu, elle était bien heureuse d’avoir ce briquet. La lanterne dévoila en partie les lieux et l’irlandaise haussa les sourcils en remarquant ce qui se trouvait là. De drôles d’installations étaient déployées et elle comprit rapidement qu’il s’agissait de matériel de contrebande d’alcool. Des caisses de bouteilles confirmèrent sa déduction.

« Super… Je vais crever de faim mais au moins je ne crèverais pas de soif… »

Elle prit une bouteille au hasard et s’installa dans un coin, pas trop près de la trappe au cas où quelqu’un aurait la mauvaise idée de venir la rejoindre. Débouchant la bouteille, elle prit une lampée et constata que c’était bon. Elle avait toujours aimé l’alcool et regrettait que désormais le commerce en était interdit. Ce la expliquait sans doute l’existence de cette planque.


@Daniel « Danny » Brewster @Kenneth «Kenny» Brewster
Je ne sais pas qui commence en premier, je vous laisse voir entre vous ! :p

Danny marchait tranquillement le long du sentier, observant Cathbad qui gambadait joyeusement devant lui. Une cigarette coincée entre les lèvres et son fusil sur son épaule, le grand blond grimaça un sourire en entendant les paroles de son frère. Il lui donna une grande tape dans le dos et s'esclaffa.

« Ah !!! Bah si c'est l'cas mon p'tit Kenny, j'veux bien faire la tambouille pendant un mois entier ! »

Puis, il se mit à rire doucement. Kenny avait toujours des idées abracadabrantesques mais Danny le laissait toujours exploiter ses idées, estimant que son petit frère avait besoin d'être autonome. Après tout, il avait eu la merveilleuse idée de planquer la distillerie sous le sol pour qu'elle ne soit pas facilement découverte. D'ailleurs, Danny se rappelait que les deux premiers essais avaient fini par s'effondrer. Ils avaient du bosser et faire travailler leurs méninges pour trouver une façon de faire tenir les murs en terre. Tant qu'il ne mettait pas le feu à la grange, tout irait bien. Danny marchait tranquillement, fumant sa cigarette en observant la cime des arbres qui se balançaient au gré du vent. Il baissa rapidement la tête lorsque le loup de son petit frère se mit à gronder. Aussitôt, il dégaina son fusil et le chargea sans attendre. Cathbad semblait mal à l'aise, remuant de gauche à droite en fixant vers la distillerie. Quelque chose le dérangeait. Une chose qu'il estimait dangereuse. S'il y avait quelque chose que les frères Brewster avaient appris, c'était que les loups se trompaient très rarement. Le jeune homme écrasa sa cigarette dans la terre et avança, fusil au poing. Kenny était tout aussi près à tuer quiconque serait sur son chemin ou menaçant.

De la lumière semblait émaner de leur distillerie. Danny fronça les sourcils. Qui pouvait bien avoir trouvé leur cachette alors qu'ils pensaient l'avoir bien caché. Kenny sauta dans le trou, rapidement suivi de Danny qui se réceptionna maladroitement, souple comme un bout de bois. Il grogna un juron en gaélique. Cathbad le suivit rapidement, grognant, montrant les dents. Kenny était nerveux et pointait son arme sur une demoiselle qui était en train de s'enfiler une bouteille dans le gosier. L'homme remonta légèrement son chapeau, baissant son arme. Kenny suffisait.

« Bah voyons... T'crois qu'c'est gratuit c'que tu bois la rouquine ?! »

À grandes enjambées, Danny creva la distance entre la demoiselle et lui et lui arracha la bouteille des mains. Il la posa sur une étagère et attrapa la rouquine par le col de son manteau, la faisant se lever. Qu'est ce qu'ils allaient faire d'elle ? Elle connaissait leur secret et Danny n'avait pas envie de la laisser partir comme ça alors qu'elle pouvait aisément les dénoncer. Cependant, il ne se voyait pas la tuer non plus. L'attacher à un arbre et la laisser se faire dévorer par un puma ? Non plus, il ne le méritait pas forcément. Sans la lâcher, il l'observa de toute sa hauteur.

« Qu'est c'qu'tu fous ici la miss ? »

Combien de temps allait-elle rester là ? Elle n’en savait rien. Au moins elle était à l’abri du temps et plus ou moins du froid. Et, elle l’espérait, à l’abri d’éventuels poursuivants. Elle avait eu de la chance dans son malheur d’être tombé sur cet endroit. Désormais elle espérait qu’il reste vide et que les propriétaires n’allaient pas se pointer. Pour seule compagnie, elle avait la bouteille d’alcool qu’elle avait prise dans les caisses mais elle ne comptait pas se l’enfiler en entier pour autant. Il fallait qu’elle garde les idées claires. Il fallait qu’elle se décide sur le moment le plus opportun pour mettre les voiles. Attendre la tombée de la nuit serait sans doute mieux. Mais il était difficile de savoir quelle heure il était exactement enfermée dans cet endroit sous terre.

Soudainement, elle entendit un bruit. Elle n’aurait su dire combien de temps s’était écoulé depuis qu’elle était là mais c’était bien le dernier de ses soucis. Elle se figea et essaya de se dissimuler comme elle le pouvait. Elle n’en eut pas le temps alors que la trappe s’ouvrait, dévoilant un homme qui semblait tomber du ciel. Et il était armé, prêt à faire usage de son arme. Clairement, il savait qu’un intrus se trouvait là. Malgré la présence de la lanterne, Cathleen aurait été bien incapable de dire s’il s’agissait d’un des hommes à sa recherche. Cela ne l’empêcha pas de la braquer et elle leva les mains sans lâcher la bouteille, espérant ne pas finir en passoire avant d’avoir pu dire un mot.

Un autre homme, de la même grande taille que le premier, fit son apparition. On aurait presque dit des jumeaux tant ils se ressemblaient. Des loups les accompagnaient. C’était quoi ça ? Des hommes de la forêt ?? Au moins le second homme ne la braqua pas à son tour mais son loup savait se montrer assez menaçant pour compenser. Il lui fit une réflexion et elle eut à peine le temps de répondre qu’il lui prit la bouteille des mains avant de l’attraper par le col, la faisant se mettre debout. Cet type avait une sacrée force car, même si elle était légère, il l’avait soulevée sans aucun mal.

« Ca pourrait l’être, parce que c’est vraiment pas terrible… » marmonna t-elle enfin suite à la question pourtant rhétorique de l’homme avant de se racler la gorge. Les provoquer n’était peut-être pas la meilleure idée qui soit mais elle était ainsi, elle n’aimait pas se laisser ainsi marcher sur les pieds. Elle restait toutefois conscience que s’ils ne l’avaient pas encore tuée, c’était sans doute parce qu’elle était une femme. Mais ils pourraient lui faire bien pire. Ainsi, elle enchaina. « Vous avez marmonné en gaélique… je me trompe ? Vous êtes irlandais ? »

Ils n’avaient pas une tête d’irlandais mais elle préférait s’informer. Cela pourrait peut-être lui sauver la vie, même si le patriotisme ne touchait pas tout le monde. Cathleen se sentait à la fois oppressée par l’homme qui ne la lâcha pas et son comparse qui la pointait de son fusil et soulagée de voir que visiblement, il s’agissait simplement des propriétaires du lieu et non d’éventuels poursuivants. Elle remua un peu dans l’espoir qu’il la lâche, les regardant tour à tour.

« Cet endroit vous appartient j’imagine… Je me cache. Enfin j’essayais… Je suis tombée, c’est le mot, par hasard ici. Je courais dehors, j’ai trébuché sur l’anneau d’ouverture de la trappe… Ca me semblait une bonne cachette sur le coup. Je pensais être partie avant l’arrivée des propriétaires… Je ne voulais pas vous voler mais… j’avais faim et soif et je n’avais que ça sous la main. Je vous paierais… »

Elle ne savait pas encore avec quoi puisqu’elle n’avait pas d’argent sur elle mais il fallait bien qu’elle se sorte de ce mauvais pas. En reposant les yeux sur la bouteille, elle réalisa que tout ceci était illégal et donc qu’ils ne la laisseraient peut-être pas partir si facilement.

« Je ne dirais rien… Ca ne m’avancerait à rien. On est tous punis dans ce pays de toute façon… »

Le stress, la surprise, le manque de nourriture et l’absorption d’alcool lui faisaient tourner la tête. Au moins, si elle tournait de l’œil avant qu’ils ne la tuent, elle ne se rendrait compte de rien…


@Daniel « Danny » Brewster @Kenneth «Kenny» Brewster

Danny grogna de mécontentement. Pour qui elle se prenait cette pimbêche à insulter le fruit de leur labeur ? Elle se régalait de leur whisky, volait et se permettait en plus d'insulter le meilleur whisky au monde. Danny la toisa avant de cracher devant elle de mépris, signe qu'elle devait vite se calmer si elle ne voulait pas finir attachée à un arbre en attendant qu'un puma vienne la dévorer. Cathbad dut ressentir l'agacement de son maître car il se mit à grogner un peu plus fort, remuant nerveusement. Cette situation ne le rassurait guère.

« C'est si dégueu qu't'as sifflé presqu'la moitié d'la bouteille, pochtronne ! »

Et voilà maintenant qu'elle les insultait eux. Danny éclata de rire à la réaction virulente de son petit frère. Kenny ne tenait pas sa langue lorsqu'il s'agissait de leur famille, de leurs racines. Irlandais et écossais se disputaient souvent la saveur du whisky, chacun estimant qu'il était meilleur que l'autre. Et pour le coup, Kenny avait raison. Danny s'étonna presque que son petit frère ne crache pas à la figure de la rousse. Elle s'enfonçait de plus en plus, elle allait très mal finir. Mais la suite finit par intéresser Danny.

La jeune femme semblait en fuite. Que fuyait-elle ? C'était une excellente question qu'il se posa. Il se demanda même si elle avait une prime sur la tête et de combien elle pourrait être. La livrer pourrait être bénéfique pour eux mais le problème était qu'elle connaissait la planque de leur distillerie. Elle pourrait aisément les balancer pour se protéger. Danny n'était pas un homme mauvais, il n'aimait pas non plus s'attirer des emmerdes et il agirait en connaissance de cause. Finalement, Danny lâcha doucement la demoiselle, reprenant sa place vers son petit frère. Sauf qu'il tournait le dos à la rousse. Ils bloquaient l'accès à la sortie et Kenny la tenait toujours en joue. Au pire, elle se prendrait deux loups féroces dans les jambes. Il valait donc mieux pour elle de ne pas bouger. La demoiselle essayait de se protéger mais sa parole ne valait rien. Kenny, lui, semblait croire qu'elle parlerait et qu'il fallait se débarrasser d'elle. Danny frotta sa barbe, songeur. Il était près de son frère, assez pour parler bas et que la rousse ne l'entende pas.

« Elle est en fuite. Elle a sûr'ment une prime sur la tête... Laisse moi m'renseigner Kenny. C't'une femme, ça s'ra sa parole contre la nôtre. T'sais qu'les femmes ont pas d'droits. Laisse moi m'renseigner sur elle. »

Danny savait que ça ferait grogner son petit frère mais si la prime était conséquente, ça serait intéressant pour eux. Les deux frères ne devaient pas faire la fine bouche. Danny finit par fouiller dans la besace accrochée à sa ceinture et se tourna vers la rousse, lui lançant un petit paquet de viande fumée. Il n'allait pas la laisser crever de faim non plus. Il l'observa de haut en bas puis fait une moue songeuse.

« C'quoi ton nom ? Moi c'est Danny et lui c'est Kenny. Si on t'fait sortir d'ici, faudra qu'on t'bande les yeux. Pas question qu'tu saches comment re'vnir ici. Et aussi, si jamais tu nous balances, sache qu'on t'le f'ra durement payer. Et c'est dans ton intérêt d'nous garder comme alliés. »

Sa bonne étoile l’abandonnait-elle ? Au fond, Cathleen ne se posait même plus la question, c’était une évidence depuis un moment déjà. Elle qui pensait trouver un peu de tranquillité ici, elle s’était lourdement trompé. Tout allait de mal en pis. Les deux hommes qui lui faisaient face étaient agressifs sans l’être plus que ça mais la répartie de la jeune femme à leur égard ne fit qu’exacerber leur comportement envers elle. Critiquer l’alcool que visiblement ils produisaient n’avait sans doute pas été la chose la plus maligne qu’elle aurait pu trouver à faire. Gagner leurs faveurs aurait été plus simple mais ce n’était pas non plus son genre. Etre soumise n’était clairement pas dans ses gênes, lui empêchant même de voir le danger imminent. Elle s’était trompée. Bien qu’ils semblaient parler gaélique, ils étaient écossais et non irlandais. Et ils n’appréciaient pas vraiment la comparaison. L’envie de leur tenir tête en affirmant que le whisky irlandais était nettement meilleur lui chatouilla les lèvres mais elle la ravala. Ce n’était pas le moment de chercher davantage d’ennuis. Pas avec deux types qui pourraient la tuer là, maintenant. Personne ne la retrouverait jamais. L’un des frères, le plus âgé, cracha au sol, signe clair de mépris. Clairement, elle était dans de beaux draps.

« Je n’en ai pas bu la moitié, elle n’était pas tout à fait pleine… Et je n’avais jamais bu de Whisky écossais jusqu’à présent… A vrai dire je ne connais pas d’Ecossais… Enfin jusqu’à présent. » Elle les regarda de haut en bas. « La légende sur les écossais est fausse alors ? »

Elle ne précisait pas de quoi elle parlait mais son ton était plus curieux que provocateur. Elle en oubliait presque qu’ils pourraient la tuer au moindre mot de travers à venir. Finalement, le plus jeune des deux lâcha ce qu’elle redoutait : il ne comptait pas la laisser partir. Deux choix s’offraient à présent. Soit ils la gardaient captive, soit ils la tuaient… Ni l’un ni l’autre n’était réjouissant. La peur commença à l’envahir pour de bon et elle jeta des coups d’œil inquiets à droite à gauche, comme si elle cherchait une issue. Elle ne voulait pas mourir. Pas comme ça, pas là. Jamais elle ne pourrait sortir sans qu’ils ne la tuent. Elle était trop loin de la sortie et ils étaient armés contrairement à elle. Leur sauter dessus aurait été idiot. Ils étaient deux et bien trop costauds pour elle. Elle était coincée, à leur merci. Et cette simple constatation ne fit que la rendre d’autant plus nerveuse.

« Pourquoi je parlerais ? Qu’est-ce que ça m’apporterait ? Je suis tombée ici par hasard, je n’ai rien contre vous… »

Si jusqu’à présent elle avait parlé d’une voix forte et assurée, désormais on pouvait sentir le désespoir qui faisait légèrement vibrer ses mots. Même si elle se donnait de la consistance pour ne pas paraitre vulnérable, elle peinait à cacher sa crainte. Elle ignora si c’était l’effet de ses mots mais celui qui la tenait la lâcha et elle poussa un léger soupir. Ce n’était pas pour autant qu’elle était sauve mais elle commençait à espérer qu’elle pourrait sortir vivante de cette cave maudite. Elle observa les deux frères qui se parlaient à voix basse. Elle n’entendait que des murmures et était bien incapables de savoir ce qu’ils complotaient. Peut-être débâtaient-ils de la meilleure façon de la faire disparaitre ? Lorsque l’un d’eux lui lança quelque chose, elle eut un mouvement de côté pour l’esquiver de peur qu’il s’agisse d’une arme. Mais elle attrapa finalement au vol le petit paquet en voyant que cela avait l’air inoffensif. Ses réflexes de chasse aidaient grandement. En l’approchant de son visage pour voir de quoi il s’agissait, elle huma l’odeur caractéristique de la viande fumée. A manger ! Ni une ni deux, elle ouvrit le paquet et enfourna un morceau de viande séchée dans sa bouche, se régalant. Cela faisait un moment qu’elle n’avait rien avalé. Alors qu’elle mangeait, le plus âgé lui demanda son nom, se présentant. Elle doutait qu’il s’agisse là de faux noms. Apparemment, ils ne comptaient pas la tuer. En tout cas pour l’instant. Elle s’essuya la bouche d’un revers de la main, commençant à avoir sacrément soif.

« Cathleen… » Elle s’approcha lentement d’eux. Après tout, ce serait plus pratique s’ils voulaient lui bander les yeux. « Je serai bien incapable de dire comment j’ai atterri ici alors bandez ce qu’il faudra. J’ai rien contre vous, je vous l’ai dit… c’est le hasard qui m’a conduit ici… » Elle jeta un œil vers le dénommé Danny. « Merci… » Elle ferma les yeux et attendit la suite.


@Daniel « Danny » Brewster @Kenneth «Kenny» Brewster

Danny haussa un sourcil, dévisageant la rousse qui semblait sur une pente glissante. Elle était cernée par les deux frères et semblait tout de même s'amuser à les provoquer. Danny ne comprenait pas si elle ne tenait plus à la vie ou si elle était tout simplement imprudente. Il cracha sur le sol, agacé par son comportement et il avait de plus en plus envie de lui éclater la cervelle. Danny pouvait sentir la nervosité de son petit frère. La rousse devait se méfier, Kenny avait la gâchette facile et la détente fragile. Cependant, même si elle faisait la maline jusque là, la rousse semblait comprendre que son sort était entre les mains des Brewster. Ils étaient les seuls juges du droit de vie ou de mort sur elle. De ce fait, Danny sentit qu'elle se tendait et se recroquevillait sur elle même.

L'aîné des Brewster adressa une messe basse à son frère, discutant de ce qu'ils pouvaient bien faire d'elle. Danny n'était pas un meurtrier, excepté s'il s'agissait de légitime défense, et ne comptait pas tuer l'intruse. Au fond, elle n'avait rien fait de mal jusque là. Il émettait cependant une bonne réserve sur le sort qu'ils lui réservaient. Mais surtout, si elle était en fuite, des gens la cherchaient. Des gens qui pourraient payer cher la peau de la rousse. Ce qu'ils en feraient après ne le regardait pas. Lui, il toucherait un peu d'argent, ce qui aiderait les deux frangins à s'en sortir. Même s'ils n'étaient pas à plaindre.Aussi, Danny ne comptait pas perdre son précieux trésor aussi rapidement. Le jeune homme envoya de quoi manger à la rousse qui manqua d'esquiver le repas. Tel un chien affamé, elle s'empressa de fourrer un gros morceau de viande séchée entre ses lèvres devant l'air amusé de Danny qui évoquait ce qui allait lui arriver. Danny ne fut même pas étonné qu'elle trouve de quoi répondre. La rousse semblait avoir un caractère bien trempé mais une bien trop grande gueule à son goût. Pas étonnant qu'elle soit en fuite et recherchée. Elle l'avait sûrement ouvert trop grand. Danny s'approcha d'elle et la fit pivoter brutalement. Il glissa un foulard sur ses yeux, les couvrant bien pour qu'elle n'essaie pas de voir au travers ou par en dessous.

« T'as t'jours un truc à dire ou parfois t'la ferme ta bouche ? »

L'homme ne lui laissa pas le temps de répondre et lui fourra un mouchoir sale dans la bouche pour éviter de l'entendre parler durant le trajet du retour. Pour sortir, il fallait emprunter un escalier branlant. Danny indiqua à Cathleen où elle devait mettre les mains et la poussa brutalement pour qu'elle se hisse. Il observa son frère attraper la rousse par le col et la tirant aisément hors de la distillerie. Kenny profita du moment pour lier les mains de la rousse dans son dos. Danny s'occupa de ranger un peu le merdier que la rousse avait mis et soupira. Pas de travail aujourd'hui, ça ne l'arrangeait pas. Mais tant pis. Il se hissa dehors avant de refermer l'endroit et d'en cacher l'entrée. Une fois fait, le jeune homme attrapa Cathleen par le bras.

« Aller, avance. »

Il la poussait et la tirait assez brutalement, un peu pressé de rentrer chez lui. Si on les voyait, des questions seraient posées et Danny n'avait pas réellement envie d'avoir à trouver une justification bidon. Kenny profita du retour pour chasser. Une détonation violente se répercuta dans la forêt lorsqu'il trouva une belle proie. Enfin, après une longue marche silencieuse, Danny aperçu la modeste maison de bois dans laquelle vivait les deux frères. Il fit entrer Cathleen alors que Kenny alla dans la grange pour s'occuper de la proie. Danny fit asseoir la demoiselle dans un fauteuil après lui avoir libéré les mains. Il la laissa se débarrasser de son bâillon et découvrir ses yeux alors qu'il venait attiser les braises pour relancer le feu dans la cheminée. Malgré l'époque, l'air restait frais et humide. Au loin, on pouvait déjà entendre le grondement de l'orage et l'annonce d'une pluie torrentielle. Danny accrocha une cafetière au dessus du feu et se roula une cigarette avant de regarder la rousse. Il alluma la cigarette et tira dessus.

« Pourquoi tu t'cachais ? »

Visiblement elle n'aurait pas de réponse à sa question. Mais vu l'attitude des frères envers elle jusqu'à présent, cela ne l'étonna pas réellement. Sans doute devait-elle se réjouir d'être tombée sur des hommes sensés car vu son bagout, elle aurait pu finir trouée de plombs depuis longtemps. Elle ne mesurait pas toujours le moment où elle dépassait les bornes, même en cas de danger. Un jour, cela lui jouerait un mauvais tour. Mais ce moment n'avait pas l'air d'être encore arrivé. Bien qu'elle se sentait de plus en plus menacée au fur et à mesure que la situation avançait. Elle réalisait qu'elle pourrait bientôt se retrouver ligotée, à la merci des cougars des environs, si elle ne faisait pas plus attention. Mieux valait arrêter de contrarier les hommes qu'elle avait délesté de quelques gorgées de whisky. Elle accepta sans résister leurs conditions. Après tout, elle était mal placée pour négocier quoi que ce soit.

En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, elle se retrouva dans le noir. A la question posée, elle ouvrit la bouche pour répondre mais n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit : un mouchoir vient obstruer sa bouche, la forçant au silence, bien qu'elle marmonna malgré tout. Elle écouta les indications et essaya de se guider malgré le fait qu'elle ne voyait plus rien. Elle poussa un cri étouffé de surprise lorsqu'elle se sentit poussée vers le haut. Ces hommes ne manquaient pas de force. Contre eux, elle aurait bien du mal à se défendre, même si elle savait se battre. Elle sentit l'air frais sur son visage. Pas de doute, ils étaient dehors. Mains bientôt liées, Cathleen se sentit de plus en plus vulnérable. S'ils l'abandonnaient à son sort à présent, elle était morte. Mais ce n'était pas dans leurs plans pour le moment puisqu'ils lui indiquèrent d'avancer, la tenant par le bras. Elle essayait de marcher avec prudence pour ne pas se prendre à nouveau les pieds dans une racine mais elle était ballottée, poussée comme une vulgaire marchandise.

Soudain, elle entendit une détonation et elle manqua de se faire dessus. Celui qui la tenait avait dû sentir le sursaut qui l'avait saisie. Elle s'était demandée si elle était morte, s'ils avaient finalement décidé de la tuer. Mais elle sentait toujours la pression sur son bras et elle ne ressentait aucune autre douleur. Elle était bien en vie. Et au fond, elle ne savait pas si elle devait se réjouir ou pas. La marche lui parut durer une éternité. Le fait de ne rien voir n'aidait en rien à raccourcir le temps. Bientôt, ses pieds rejoignirent une surface plus dure, plus stable. Une maison ? L'endroit où elle fut assise était plus moelleux que le sol. Assurément ils étaient arrivés à destination même si elle ignorait toujours où elle se trouvait. Mains libérées, elle attendit la suite mais vu que rien ne venait, elle retira son bâillon de fortune qu'elle jeta au sol et retira le bandeau qui recouvrait ses yeux. Elle découvrit une charmante petite maison de bois et remarqua que le plus vieux des deux frères se tenait là, devant une cheminée en activité. Le crépitement du bois était agréable mais Cathleen ne se détendait pas. Elle détestait le feu. Malgré tout, c'était bien mieux qu'une cave. Elle tourna les yeux vers l'homme qui la regardait, attendant une réponse. Elle ignorait si elle devait lui avouer la vérité ou la camoufler un peu. Elle ne tenait pas à ce qu'il la vende à ceux qui la pourchassaient.

« Des bandits ont tué mon mari... J'ai été témoin et maintenant ils veulent me réserver le même sort pour que je ne les dénonce pas... »

Elle pinça les lèvres, légèrement agitée par le souvenir de l'incendie. Elle ne disait pas l'entière vérité. Après tout, elle n'avait été témoin de rien du tout mais son mari était mort, c'était une certitude. Elle ignorait pourquoi on en voulait à sa vie mais elle préférait ne pas le savoir. Trop de savoir pouvait être risqué. Quand on ne savait rien, on ne pouvait rien avouer, même sous la torture. Elle soupira, déglutit et regarda autour d'elle.

« Qu'est-ce que vous allez faire de moi ? »

Ils auraient pu la tuer, l'abandonner... mais ils l'avaient emmené à ce qui semblait être leur maison. Nul doute qu'ils voulaient en apprendre plus avant de se décider. Mais Cathleen ne comptait pas se laisser faire. Elle en avait assez d'être manipulée et utilisée. Elle était une femme mais pas un objet dont on disposait à sa guise.
@Daniel « Danny » Brewster

Enfin, ils étaient arrivés à la maison. Danny n'avait pas manqué de sourire en voyant la réaction de Cathleen quand Kenny avait tiré sur le cerf. La pauvre avait du croire qu'elle était la cible et s'était sûrement vue morte sur le moment. Le jeune homme n'avait rien dit, laissant la demoiselle se pisser dessus s'il le fallait. Une fois dans la maison, il l'installa dans le fauteuil. Il la laissa découvrir les lieux sans l'agresser pour le moment. Pourtant, il avait besoin de réponses et s'amusait à être curieux de savoir ce que la rousse faisait dans la forêt. C'était dangereux et elle ne semblait pas du coin. Cathleen se confia. Danny l'écoutait, se massant le menton d'un air songeur. Il la jaugeait du regard, se demandant bien comment ce petit bout de femme avait fait pour échapper à une bande qui lui courrait après. Danny ne dit rien sur le moment. Il se leva, attrapa une casserole et la posa au dessus du feu, remuant son contenu. Petit à petit, la bonne odeur d'un ragoût de sanglier embauma la maisonnette. Danny attrapa un bol en bois et une cuillère et le remplit presque à ras. Il le donna à Cathleen.

« Pourquoi des bandits ont tué ton mari ? »

La question se posait. Car les bandits ne tuaient pas juste pour le plaisir de tuer. Il y avait toujours une raison. Amour, argent, vengeance. Peu importait la raison, il y en avait toujours une. Et Danny voulait connaître celle qui avait poussé les gens à prendre la vie du mari de la rousse. Parce que ça l'aiderait sûrement à savoir ce qu'il ferait d'elle. Peut être qu'il pourrait même réclamer une prime pour la vendre aux bandits si elle le saoulait trop. Il la laissa manger tranquillement, s'installant dans son fauteuil pour fumer en la fixant comme si elle allait s'évaporer sous ses yeux. Depuis la mort de sa femme, aucun être de sexe féminin n'avait franchit la porte de la maison. Cathleen était la première à avoir ce privilège. Danny l'observait sans se cacher. Elle était plutôt mignonne malgré la crasse qui maculait sa peau et ses cheveux en bataille. Danny renifla tandis que Cathbad vint renifler la jeune femme discrètement, vérifiant qu'elle ne le voit pas.

« J'sais pas encore c'qu'on va faire d'toi... T'vois bien qu'on est pas des bandits ! Pas l'genre à aller violer d'la demoiselle... J'doute que t'vendre nous rapport'rait. Puis c'pas not'genre... »

Non, Danny n'en avait pas l'air comme ça mais c'était un cœur tendre. Il serait du genre à la protéger plutôt que la jeter en pâture à une bande de débiles armés jusqu'aux dents. L'ennui était que si Cathleen était recherchée, nul doute qu'ils finiraient par la trouver ici. Et les Brewster se retrouvaient à devoir se défendre pour une femme qu'ils ne connaissaient pas, qui ne leur apportaient rien. Pourtant, le cœur de Danny lui disait de ne pas la mettre dehors et d'attendre de voir ce que l'avenir leur réserverait. Au fond, s'il venait à être tué pour défendre une demoiselle, ça lui ferait rejoindre sa femme et son enfant plus vite que prévu. Le jeune homme soupira doucement, fumant tranquillement sa clope.

« Va falloir t'laver quand même... Quand t'as fini d'manger, j'te fous dans l'bain... »

Maintenant qu’elle y repensait, Cathleen trouvait évident que le coup de feu entendu précédemment ne lui était pas destiné. Il avait été tiré à une trop grande distance par rapport à elle et vu l’accoutrement et la dégaine des deux hommes à qui appartenaient la cave, ils devaient être habitués à chasser. Tout cela lui rappela d’anciens souvenirs où elle chassait en compagnie de ses frères et de son père. Elle eut un pincement au cœur tant cela lui manquait. Même si elle avait apprécié sa vie à New Haven, à gérer ce saloon, c’était une vie trop tranquille pour elle. Faire la potiche n’était pas son fort mais au moins elle avait pu chanter et jouer tout son saoul. C’était fini désormais et elle ne chantait plus que pour elle-même. Difficile de se trouver un public lorsque l’on était en cavale. Et mieux valait éviter d’attirer l’attention. Sa voix passait difficilement inaperçue lorsqu’elle le faisait. Entre ça et la couleur visible de ses cheveux, mieux valait éviter de tenter le diable.

Danny l’interrogeait maintenant qu’il l’avait emmené chez ce qui semblait être chez lui. C’était trop aménagé pour n’être qu’une simple planque temporaire. Devait-elle se réjouir qu’ils l’aient emmené chez eux ? Elle ne savait toujours pas ce qui l’attendait, même si à première vue, ils n’allaient pas lui faire de mal. Le diable se cachait facilement dans le cœur des hommes et même les mieux intentionnés pouvaient se révéler perfides. Au pire, elle savait se défendre. Néanmoins, elle savait qu’elle n’aurait jamais le dessus sur eux. Fuir restait une option qu’elle gardait précieusement dans un coin de sa tête. Ainsi, elle prit bien le temps d’observer son environnement, ce qui pouvait passer pour de la curiosité. C’en était, quelque part. Après tout, elle était en terrain inconnu et ignorait totalement la suite des évènements. Mais cela semblait plutôt se profiler sur un vrai repas. Elle ne savait pas si elle y aurait le droit vu qu’ils lui avaient donné des morceaux de viande séchée qu’elle avait à peine pu entamer. Et s’ils étaient cannibales ? Un frisson lui parcouru l’échine mais elle n’en montra rien. Si elle se révélait faible, ils tenteraient d’en profiter, elle en mettrait sa main à couper. Et ce n’était de toute façon pas dans son tempérament. Mais elle savait aussi qu’elle devait mettre un peu d’eau dans son vin. Les braquer n’était pas la meilleure chose à faire. Finalement, Danny lui fournit un bol en bois et une cuillère pour manger. Elle le regarda avec surprise et mangea aussitôt non sans l’avoir remercié d’un signe de tête. Voilà un moment qu’elle n’avait pas mangé un vrai repas. Et c’était plutôt bon. Bouchée finie, elle soupira à la nouvelle question de Danny. Elle ne savait pas quoi répondre. Et pour cause : elle ignorait la réponse.

« Si seulement je le savais… » Elle plissa légèrement le tissu de la jupe qu’elle portait. Ce n’était pas le mieux pour une balade en forêt mais elle n’avait pas vraiment eu le temps de se changer « Ce sont des bandits. Ont-ils vraiment besoin de raison pour faire du mal ? Ils se croient tout permis… »

Elle pinça les lèvres pour retenir un sanglot. Repenser à son mari lui faisait du mal mais elle savait qu’elle ne pourrait rien changer à la situation. Pleurer les morts ne les faisaient pas revenir, malheureusement. Ce foutu Dieu, s’il existait, n’en avait strictement rien à f outre. Danny la sortit de ses pensées en lui faisant réaliser qu’elle n’était pas sortie de l’auberge encore, même si c’était mieux que la cave. Son sort restait entre leurs mains. Malgré tout, il se voulut rassurant. Elle ne savait pas si elle pouvait le croire ou pas mais quelque chose la poussait à le faire. Même s’ils s’étaient montrés brusques, ils auraient juste pu la tuer pour avoir été témoin de leur trafic. Pourtant, ils n’en avaient rien fait. Pour le moment. Au moins ici, elle était plus ou moins protégée.

« Je sais me rendre utile… Je sais chasser, dépecer, tirer… Par contre pour la cuisine, il faut oublier. En attendant que vous vous décidiez sur mon sort, laissez moi aider. »

A moins qu’elle ne trouve le moment pour s’enfuir avant. Il fallait qu’elle pèse le pour et le contre. Pour le moment elle était trop fatiguée par sa cavale. Une petite pause lui ferait du bien. Le bol enfin vide, elle le posa sur ses genoux et haussa les sourcils à la remarque du trappeur. Certes, elle n’avait pas pris de bain depuis un moment. Mais elle n’était pas amputée et pouvait se lever elle-même pour aller au bain.

« Indique moi juste où est le bain, je peux y aller moi-même… » fit-elle en se levant, lui rendant le bol. « Merci Danny… »

@Daniel « Danny » Brewster