C'est comme être père (Dorothy)

Levi, malgré son âge avancé, n’avait jamais eu d’enfant. D’ailleurs il n’en voulait pas pour le moment parce qu’il savait qu’il n’aurait pas le temps de s’en occuper. C’est que faire du trafic et comploter contre le gouverneur prenait tout son temps ! Bien qu’il désirait un jour avoir des héritiers, il ne voulait pas juste avoir des enfants pour avoir des héritiers. Il voulait une véritable famille, avec une femme sur qui il pourrait compter. Pour l’heure, aucune candidate potentielle ne s’était présentée à lui mais il ne désespérait pas. Un jour, il trouverait. S’il vivait suffisamment longtemps pour ça. Ca, c’était une autre histoire. Les voies de la politique étaient dangereuses et il se demandait s’il ne finirait pas un jour la corde autour du cou, rien qu’à cause de ses infractions à la loi. Mais en ce qui le concernait, il avait plutôt tendance à vivre au jour le jour, sans rien planifier en dehors de son travail. Cela rendait les choses plus simples et moins déprimantes.

Quelque chose ou plutôt quelqu’un l’aidait aussi à mettre un peu de douceur dans sa vie. Dorothy Green, fille du commissaire de la ville, lui-même très bon ami du juif. Parfois, il se demandait si elle le respecterait toujours autant si elle savait ce qu’il faisait réellement dans la vie. A ses yeux, il était un marchand riche et un fournisseur important de l’Etat. Sans doute déchanterait-elle rapidement si elle apprenait la cruelle vérité. Pourtant, cela ne changeait rien en ce qui concernait Levi. Elle était toujours cette nièce – il la considérait comme telle, voire comme une fille – adorable et parfois tête en l’air qu’il appréciait tant. Un peu de douceur dans ce monde de brutes. Et il veillait toujours à la protéger, même si elle ne le savait pas. Il avait assigné un homme à la surveillance de la jeune femme. De loin, pour qu’elle ne se rende compte de rien et qu’elle ne se sente pas oppressée ou espionnée. Mais au moins, elle aurait un garde du corps au cas où. Les rues de New Haven n’étaient pas toujours sûres. Et il n’avait pas assez confiance dans les policiers de son père pour ça.

Aujourd’hui, il se rendait chez elle avec l’excuse de venir voir son père. Cependant, il savait très bien qu’il n’était pas là pour le moment. Savait-elle, elle, qu’il le savait et venait juste pour la voir ? Il n’en savait rien mais cela ne semblait jamais déranger la jeune femme. A moins qu’il ne s’agisse là de simple politesse mais il en doutait. A peine arrivé sur les lieux, il demanda aux domestiques à voir Dorothy qui, apparemment, était en train d’écrire, comme à son habitude. Levi toqua doucement contre la porte ouverte de la jeune femme.

« Pas très prudent de laisser ainsi ta porte ouverte. On pourrait voler tes secrets… »

Dans sa main libre, il tenait un petit paquet de la forme d’un livre, bien emballé.


@Dorothy Green

Aujourd'hui, Dorothy était dispensée d'aller au commissariat. Elle avait alors pris le soin de prévenir tout le monde qu'elle refusait de sortir ou d'être dérangée aujourd'hui. La jeune demoiselle avait besoin d'écrire. Son livre n'avançait pas et si elle continuait comme ça, elle ne le ferait jamais éditer. Dorothy était une fille très déterminée et elle tenait ça de sa mère. D'après son père, c'était son plus bel héritage. La jeune femme aimait beaucoup quand il la comparait à sa mère, ça lui donnait toujours un peu la sensation de l'avoir à ses côtés. Entre ça et la beauté, elle avait été gâtée la petite Green.

Au matin, elle s'était levée un peu plus tard que d'habitude mais sa gouvernante avait fini par venir la réveiller en lui disant qu'une jeune fille de son rang ne devait pas se comporter ainsi. Qu'est ce qu'elle y pouvait si elle aimait dormir ? En vérité, elle avait encore écrit tard le soir et sa gouvernante lui avait attrapé la main encore tâchée d'encre noir en rouspétant. Évidement, elle s'était endormie avec la main tâchée et en avait mis partout sur les draps blancs. Mais ça, elle s'en fichait pas mal. Avec sa trace noire sur le front, Dorothy s'était levée en ronchonnant légèrement mais elle avait fini par descendre prendre son petit déjeuner dans le jardin. C'était si agréable de pouvoir prendre son repas à l'ombre de la tonnelle de vignes et sous l'odeur des grands rosiers. Un gros chien blanc vint japper contre elle et couinait pour recevoir de l'attention. Ce chien était très spécial aux yeux de Dorothy car il était un cadeau de Levi, son parrain. Alors forcément, elle l'adorait.

Ce n'est qu'après que sa gouvernante l'ait enfin laissé tranquille -donc après le bain- que Dorothy pu se mettre enfin à l'écriture de son livre. Elle était si concentrée qu'elle n'entendit même pas que quelqu'un venait d'arriver dans la maison. Les quelques coups donnés contre la porte manquèrent de la faire râler mais la voix de Levi lui fit redresser la tête aussitôt. Un sourire illumina son visage qu'elle tourna vers l'homme.

« Personne ne sait où ils sont cachés ! »

Elle se leva de sa chaise et couru jusqu'à lui pour le prendre dans ses bras. Elle adorait quand il lui rendait des visites surprises. Levi était un homme de goût même si elle n'aimait pas réellement ses chapeaux. Il était cultivé et il lui ramenait toujours des choses pour la faire rêver. Elle se recula légèrement pour le regarder tout en conservant son sourire.

« Je suis contente que tu sois venue ! Mais papa n'est pas là tu sais ? Il travaille. »

Même s’il était venu sans prévenir, il ne doutait pas qu’il pourrait voir Dorothy. Elle passait souvent ses journées enfermée à écrire ou à lire. Et il la savait dans une période prolifique, ainsi il était certain de la trouver chez elle. Pour l’heure, aller folâtrer avec les garçons ne semblait pas la passionner plus que ça. Quelque chose disait à Levi que le rôle de son père et sa propre présence n’y était pas forcément pour rien. Quel garçon serait assez téméraire pour oser courtiser la fille du commissaire ? Et ce n’était pas l’œil sévère de Levi qui allait arranger les choses. Son air bourru et sa cicatrice à l’œil lui donnait un air dangereux qui décourageait même les plus hardis.

Alors même qu’il la dérangeait en plein travail, la jeune femme ne s’en offusqua pas, au contraire. Elle répliqua même à sa remarque, ce qui le fit sourire. Son entrain pour venir lui faire un câlin lui fit chaud au cœur et il lui rendit son étreinte avec plaisir. Evidemment, elle supposa qu’il était là pour voir son père. C’était d’ailleurs son excuse pour venir ici. Et il savait très bien qu’il n’était pas là.

« Ah oui ? Oh, dommage. Tant pis, puisque je suis là, autant en profiter… »

Il lui tendit à nouveau le paquet qu’elle avait ignoré jusqu’à présent pour se concentrer sur lui. Sans doute comprendrait-elle qu’il n’était pas venu réellement pour voir son père mais peu importait. Avait-il besoin de se cacher pour voir sa nièce ? Même si elle ne l’était pas réellement, c’était tout comme. Sa candeur lui faisait du bien au moral.

« Je me suis dit que ça te plairait. »

Il s’agissait d’un livre de son auteur préféré, le tout dernier, pas encore disponible à l’achat. Levi espérait que la lecture ne deviendrait pas un crime et que seule la bible serait autorisée. Limiter les connaissances d’une population aidait à mieux la contrôler mais avoir une tribu d’idiots n’était pas forcément une bonne chose non plus. En tout cas aux yeux de Levi. Il aimait que ses hommes soient un minimum cultivés. Dorothy aimait apprendre et elle se développait en écrivant.

« Je t’ai dérangé pendant ta séance d’écriture. Veux tu que je repasse plus tard ? »

Il se doutait déjà de la réponse mais il préférait demander malgré tout. Au pire des cas, il pouvait juste rester et lire en sa compagnie, sans la déranger plus que ça. Malgré tout, il espérait qu’elle refuse car il désirait l’emmener ailleurs. Rester enfermé pouvait rendre dingue.

« Si tu veux faire une petite pause, que dirais tu de m’accompagner dehors ? »


@Dorothy Green

Les visites de Levi étaient toujours pleine de joie pour la petite demoiselle. Elle adorait quand il venait à l'improviste. Bizarrement, il savait toujours où elle était. Tout comme la fois où il avait fait une visite hasardeuse à Wellsburg pile quand elle accompagnait son père là bas pour le travail. Dorothy ne s'en formalisait pas. Elle adorait Levi comme un second père et elle insistait toujours pour qu'il reste dîner chaque fois qu'il passait. Aussi, cette visite commença avec un câlin. Dorothy ne se privait jamais. Le côté bourru de Levi ne l'effrayait pas, sûrement parce qu'elle le connaissait depuis très longtemps maintenant.

Une fois le câlin passé, Levi lui tendit un paquet qui avait la forme d'un livre. Rayonnante, Dorothy l'attrapa en le serrant contre son cœur, toute heureuse de recevoir un cadeau. La jeune femme n'attendait jamais rien de la part de son parrain mais lui, il la couvrait de cadeaux. Elle ne s'en plaignait pas, au contraire. Elle lui rendait toujours bien ses petites attentions.

« J'avais pensé que tu m'offrirais un chaton cette fois ! »

Elle plaisantait bien évidemment. C'était surtout en rapport avec son chien, qu'elle avait appelé Oscar, qu'elle disait ça. D'ailleurs, elle s'étonna de ne pas trouver Odin dans les parages. Peut être qu'il était en bas. Dorothy n'attendit donc pas pour déchirer le papier qui recouvrait le cadeau, dévoilant alors un livre qui n'était pas encore dans les librairies et ne sortirait pas avant quelques semaines. Le visage de la petite demoiselle s'illumina d'un large sourire.

« Oh mon dieu !! Tu l'as trouvé ?! Mais comment tu as fais ? Il ne doit pas sortir avant longtemps !! Merci énormément Tonton !! »

Elle se hissa sur la pointe des pieds pour lui embrasser la joue avant de le serrer de nouveau contre elle. Puis, elle fila poser le livre sur sa table de chevet, en dessous de celui qu'elle avait presque terminé. La jeune femme se tourna vers Levi en frottant la tâche d'encre qui s'était formée entre ses doigts à cause de sa plume et sourit.

« Non, c'est pas grave ! Je suis lancée, je sais que je ne perdrais pas le fil en faisant une pause ! »

Impatiente de sortir, elle attrapa son petit sac à main, prête à sortir. Elle était loin d'être habillée comme la fille de bonne famille qu'elle était, portant une robe relativement simple qu'elle se fichait de salir. Ses cheveux étaient détachés, une simple demi queue les retenait par un ruban blanc pour éviter que des mèches ne tombent dans ses yeux pendant son écriture. Et aussi parce que son père n'en pouvait plus de voir de l'encre apparaître dans la chevelure de sa fille.

« On y va ? On va où ? Je peux prendre Oscar ? Odin n'est pas là ? »